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Abstraction et inégalités sociales

Qu’est-ce que l’abstraction en économie ?

L’abstraction est dans la notion de travail elle-même, qui suppose l’échange. N’importe quelle activité est rapportée à un étalon, qui permet de convenir d’un échange : mon heure de travail en tant qu’ingénieur, ça vaut 4 heures de travail de ton travail, toi qui cultive la terre.

L’économie ne génère donc pas seulement des inégalités, mais l’acceptation sociale de ces inégalités.

Certains travaux valent plus que d’autres, mais l’abstraction de l’échange le masque car ce ne sont pas des travaux que l’on échange, mais de l’argent contre des marchandises. Si je paie 12 euros ton panier de légumes qu’il te faut une heure pour produire, tu ne sais pas que moi, j’ai mis 15 minutes pour obtenir ces 12 euros. Peu importe en fait, puisque l’économie, c’est de l’échange donnant-donnant avec de l’argent. Chaque fois qu’on achète un truc, on croit jouer à la marchande, alors qu’on réactualise les classes sociales. Et même bien souvent : c’est l’acheteur qui prétendument « aide » le vendeur… L’économie n’est pas qu’une réalité inventée, mais une réalité inversée. Une vassalisation du monde social déguisée en fluidité des échanges.

Critiquer l’abstraction économique, ce n’est donc pas juste critiquer le non-sens des activités qu’on mène pour de l’argent (comme le font les tenants de la nouvelle droite, pour mieux fantasmer un retour aux « métiers » qui ont du sens). L’abstraction économique fait qu’à la fois l’économie nous échappe politiquement, autant qu’elle maintient une stratification sociale.

Évidemment la solution n’est pas de donner la même valeur à l’heure de travail de chacun, et de continuer à échanger. C’est une solution irréaliste car quand nous aurons la main politiquement sur l’économie pour organiser les choses ainsi, nous n’aurons plus besoin de l’économie pour définir une organisation matérielle décente.

 

Coopération intégrale

Il n’y a guère d’autres obstacles à une transition écologique que l’économie elle-même.

Entre ce qu’il faudrait faire et ce qu’il est possible de faire, ce ne sont pas des obstacles matériels et naturels que l’on trouve, mais des réalités économiques, une « réalité inventée » (*) par les humains mais qui leur échappe. L’économie est cette « puissance séparée se développant en elle-même, dans la croissance de la productivité au moyen du raffinement incessant de la division du travail en parcellarisation de gestes, alors dominés par le mouvement indépendant des machines ; et travaillant pour un marché toujours plus tendu. » (**).

Dans ce mouvement, avoir un travail « rémunéré » ou ne pas en avoir, c’est toujours être séparé, c’est toujours être un prolétaire. C’est pourquoi un mouvement de coopératives intégrales rassemble des individus, ni au titre de leur profession, ni au titre de leur non-profession, ou de leur bénévolat associatif. Mais au titre d’une visée collective de sortie de l’économie, qui est l’autre nom d’une réappropriation des humains de leurs conditions collectives et matérielles d’existence.

Appel pour une transition intégrale :

http://entraide-st-genis.ouvaton.org/flyer%20lancement%20collectif.pdf

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(*) Michel Henry, cité dans « L’invention de l’économie comme irréalité », in Sortir de l’économie, 2008, n°2, p.11 URL : http://sortirdeleconomie.ouvaton.org/sde-n2.pdf

(**) Debord, La société du spectacle, 1967, parag. 25. URL :  http://sami.is.free.fr/Oeuvres/debord_societe_spectacle_1.html

 

 

Projet d’article sur les notions de besoins/capabilités

Ne pas se prononcer sur ce qu’est la vie bonne, qu’on ait des visées explicitement politiques ou non, me semble de plus en plus intenable. La tradition en sciences sociales est de considérer qu’il n’existe pas de nature humaine, et qu’en particulier la question du bien vivre est relative à un contexte historique changeant. Elle rejoint le point de vue politique dominant qui est que les grandes institutions ne doivent pas se prononcer sur ce qu’est la vie bonne pour ne pas empiéter sur la vie des individus. Ce point de vue est critiqué dans l’article de Chavel sur le capabilités.

Il n’existe pas de neutralité sur le plan des valeurs dans ce que nous faisons, dans ce que nous disons, et encore plus dans ce que nous ne disons pas. Si nous ne savons pas ce que nous voulons, ce qui nous fait du bien, alors nous risquons d’agir à l’aveuglette en réagissant aux situations qui se présentent et de nous enfermer dans des façons de faire non interrogées, fruit d’une socialisation non-interrogée.

Du côté de la psychologie, la notion de besoin est couramment utilisée, par exemple pour distinguer différents moyens de satisfaire un même besoin, et donc de récupérer une marge de liberté pour soi ou dans l’interaction avec autrui. Dans ces approches la notion de besoin n’est pas reliée à un souci de remettre les problématiques de la vie quotidienne dans le contexte historique spécifique de notre époque, ce qui ne rend pas pour autant invalides ces approches, surtout en l’absence d’alternatives.

L’approche de Garneau et Larivey propose une méthode pour reconnaître les besoins, tandis que la communication non-violente est également largement fondée sur cette notion. La notion de capabilité étend la notion de besoin dans un sens plus explicitement politique, à partir du courant « perfectionniste » en philosophie morale. Là aussi, les auteurs prennent le risque d’avancer un propos universel quant aux besoins humains. Cela constitue à mon sens une base précieuse de discussion et de prise de conscience de ce qui importe pour nous aujourd’hui, à condition de replacer ces propositions dans le contexte actuel et ses grandes tendances sociales.

Références :

Nathalie Frogneux, Charlotte Luyckx et Françoise Bartiaux, « Liberté individuelle et contraintes matérielles : une approche conceptuelle de la pauvreté énergétique en Belgique », VertigO, Décembre 2014, URL : http://vertigo.revues.org/15617

Solange Chavel, « Perfectionnisme et capabilités », in Sandra Laugier, La voix et la vertu, 2010, PUF. URL : http://philo.labo.univ-poitiers.fr/wp-content/uploads/sites/100/2014/11/Chavel_-_Perfectionnisme_et_capabilites.pdf

Michelle Larivey et Jean Garneau, « L’Auto-développement : 20 ans plus tard », in La revue québécoise de psychologie, Vol. 20, No 2, 1999, pp 65-96. URL : http://www.redpsy.com/infopsy/20ans.pdf

Jean Garneau, « Reconnaître les vrais besoins », in La lettre du psy, Volume 9, No 4: Avril 2005 URL : http://www.redpsy.com/infopsy/besoins2.html

Jean Garneau, « Répondre aux vrais besoins », in La lettre du psy, Volume 9, No 5: Mai 2005 URL : http://redpsy.com/infopsy/besoins3.html

Marshall B. Resenberg, Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs). Introduction à la communication non violente, 2016, La découverte.

Pascale Molinier, « Vulnérabilité et dépendance : de la maltraitance en régime de gestion hospitalière », in Jouan et Laugier (ss dir), Comment penser l’autonomie ?, 2009, PUF.

 

Le travail, c’est le TOP !

Je ressors ce texte, qui doit pouvoir s’appliquer tel quel à l’A45, au prolongement du métro B, etc dans la mesure où « dans une société structurée par le travail et où le travail se raréfie et se spécialise toujours plus, les besoins de transports n’ont pas de limite« .

Le TOP (Tronçon Ouest du Périphérique) c’est un projet de construction d’une nouvelle autoroute autour de Lyon. Un débat a été organisé par le CNDP (Commission nationale du débat public) pour confronter les points de vue, dont beaucoup se demandent s’il aura une influence quelconque sur la décision finale, qui revient à la communauté urbaine de Lyon, dite Grand Lyon.

Ce débat, qui vient de s’achever, aura été l’occasion, pour bien des opposants au projet, d’argumenter que la seule solution alternative crédible à cette nouvelle autoroute était le développement des transports en commun, pour répondre à nos besoins de mobilité.

Mais au-delà du besoin de mobilité et de moyens de transport, on peut s’interroger sur le type de société qui engendre ce besoin. De quel besoin parle-t-on ? De celui de l’économie ou de celui des gens ?

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