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Catégorie : Notes

Projet d’article sur les notions de besoins/capabilités

Ne pas se prononcer sur ce qu’est la vie bonne, qu’on ait des visées explicitement politiques ou non, me semble de plus en plus intenable. La tradition en sciences sociales est de considérer qu’il n’existe pas de nature humaine, et qu’en particulier la question du bien vivre est relative à un contexte historique changeant. Elle rejoint le point de vue politique dominant qui est que les grandes institutions ne doivent pas se prononcer sur ce qu’est la vie bonne pour ne pas empiéter sur la vie des individus. Ce point de vue est critiqué dans l’article de Chavel sur le capabilités.

Il n’existe pas de neutralité sur le plan des valeurs dans ce que nous faisons, dans ce que nous disons, et encore plus dans ce que nous ne disons pas. Si nous ne savons pas ce que nous voulons, ce qui nous fait du bien, alors nous risquons d’agir à l’aveuglette en réagissant aux situations qui se présentent et de nous enfermer dans des façons de faire non interrogées, fruit d’une socialisation non-interrogée.

Du côté de la psychologie, la notion de besoin est couramment utilisée, par exemple pour distinguer différents moyens de satisfaire un même besoin, et donc de récupérer une marge de liberté pour soi ou dans l’interaction avec autrui. Dans ces approches la notion de besoin n’est pas reliée à un souci de remettre les problématiques de la vie quotidienne dans le contexte historique spécifique de notre époque, ce qui ne rend pas pour autant invalides ces approches, surtout en l’absence d’alternatives.

L’approche de Garneau et Larivey propose une méthode pour reconnaître les besoins, tandis que la communication non-violente est également largement fondée sur cette notion. La notion de capabilité étend la notion de besoin dans un sens plus explicitement politique, à partir du courant « perfectionniste » en philosophie morale. Là aussi, les auteurs prennent le risque d’avancer un propos universel quant aux besoins humains. Cela constitue à mon sens une base précieuse de discussion et de prise de conscience de ce qui importe pour nous aujourd’hui, à condition de replacer ces propositions dans le contexte actuel et ses grandes tendances sociales.

Références :

Nathalie Frogneux, Charlotte Luyckx et Françoise Bartiaux, « Liberté individuelle et contraintes matérielles : une approche conceptuelle de la pauvreté énergétique en Belgique », VertigO, Décembre 2014, URL : http://vertigo.revues.org/15617

Solange Chavel, « Perfectionnisme et capabilités », in Sandra Laugier, La voix et la vertu, 2010, PUF. URL : http://philo.labo.univ-poitiers.fr/wp-content/uploads/sites/100/2014/11/Chavel_-_Perfectionnisme_et_capabilites.pdf

Michelle Larivey et Jean Garneau, « L’Auto-développement : 20 ans plus tard », in La revue québécoise de psychologie, Vol. 20, No 2, 1999, pp 65-96. URL : http://www.redpsy.com/infopsy/20ans.pdf

Jean Garneau, « Reconnaître les vrais besoins », in La lettre du psy, Volume 9, No 4: Avril 2005 URL : http://www.redpsy.com/infopsy/besoins2.html

Jean Garneau, « Répondre aux vrais besoins », in La lettre du psy, Volume 9, No 5: Mai 2005 URL : http://redpsy.com/infopsy/besoins3.html

Marshall B. Resenberg, Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs). Introduction à la communication non violente, 2016, La découverte.

Pascale Molinier, « Vulnérabilité et dépendance : de la maltraitance en régime de gestion hospitalière », in Jouan et Laugier (ss dir), Comment penser l’autonomie ?, 2009, PUF.

 

Notes des 16 et 17 août

Ehrenberg

Article sur l’autonomie

Alain Ehrenberg, « L’autonomie n’est pas un problème d’environnement, ou pourquoi il ne faut pas confondre interlocution et institution » in Comment penser l’autonomie, 2009, PUF.

note de lecture La société du malaise de Ehrenberg

Commentaire par Ehrenberg de la réception de Société du malaise

« Pour le dire en un mot, l’individualisme est cette manière de faire société qui attribue la même valeur à chaque individu, à soi-même comme à un autre, parce que l’égalité fait de tout homme un semblable.
Mais il faut en même temps rendre compte de la croyance car elle nous dit quelque chose de vrai en soulignant le côté destructeur de l’individualisme. La difficulté à faire société fait structurellement partie de l’individualisme et n’est pas un mal qui risque de la détruire inexorablement. Pourquoi ? On ne peut pas avoir de société individualiste, c’est-à-dire de société qui donne la même valeur à tout être humain, et donc sa chance au premier venu de se faire par lui-même, si on ne brise pas les liens de dépendance entre les gens, mais on ne peut pas avoir de société en général si les gens sont séparés par l’abîme de leur liberté. C’est la tension démocratique même qui se formule dans l’opposition individu/société.
« 

Ehrenberg, F. Culture 16/01/2017

« La souffrance psychique renvoie aujourd’hui à des pathologies sociales (=renvoie à des relations sociales perturbées) »
Christophe André, psychiatre, même émission sur France Culture, technique de « méditation de pleine conscience » à l’hôpital St-Anne (méditation laïque validée scientifiquement, simple d’accès).
Validée scientifiquement : Diminue la fréquence de rechutes dépressive + neuroimagerie. 1992 : 1ère fois qu’on montre qu’une thérapie modifie la dynamique fonctionnelle cérébrale. 
Caroline Eliacheff : on le sait en psychanalyse, il y a bcp de gens qui ne veulent pas aller mieux
CA : La méditation n’est pas une thérapie, mais une sorte de proposition d’hygiène mentale (3 propositions : médicaments, psychothérapie, modification de style de vie dont la méditation fait partie)
Ehrenberg : nouvelles libertés implique un degré un degré d’autocontrôle émotionnel et pulsionnel supérieur par rapport à une société où on suivait des prescriptions. Ces pratiques sont des façons de faire et refaire son être moral. 
1/ Pratiques d’entrainement pour prendre de nouvelles habitudes de penser et de comportement (ça vient de David Hume, la conversion des passions dans « Le traité de la nature humaine »).
TCC thérapie comportementale et cognitive
2/ Autres pratiques (dont psychanalyse) : faire sens dans les relations
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Notion de besoin

Provision commune/communisme libertaire : à chacun selon ses besoins
// notion de besoin dans la psychologie humaniste

Revue Micrurus

émission Radio
Absence de considération du mal-être dans les collectifs politiques.
Appréhender le soin et la santé dans un groupe

« Si cette souffrance psychique et physique – ces deux dimensions étant toujours liées  – peut parfois découler directement ou indirectement de l’activité militante, elle est rarement l’objet d’une solidarité collective ; sa prise en charge est généralement considérée comme relevant des seules sphères privée et affective. Ce qui n’est –  au premier abord  – ni de l’ordre de l’action ou du théorique est souvent tu ou dévalué dans son importance, « « relégué» à la sphère intime et aux bons soins des femmes, voire considéré comme menace ou obstacle à la lutte politique. »

« De l’isolement du ressenti dans la sphère politique », Revue Micrurus (Collectif Médecine Libertaire), 2014 p.39

http://sous-la-cendre.info/wp-content/files/Micrurus_0_bd.pdf

« Comme on a pu déjà l’évoquer, le système est partout, il peut d’autant plus aisément agir… à couvert ; que le privé se ferme et s’étend, que la division et l’individualisme règnent. Le renvoi du « traitement » de certaines questions à la seule sphère de l’intime revient à entretenir leur invisibilisation par l’idée qu’on ne peut agir qu’individuellement sur celles-ci et/ou auprès de nos seul·es proches. Or il ne s’agit pas d’une question seulement psychologique, mais bien sociale et politique. »

« De l’isolement du ressenti dans la sphère politique », p.42

Freud/Bouddha

 
La vie est douleur, car rien n’est permanent. Chaque victoire appelle une défaite, le plaisir annonce le déplaisir, la satisfaction fait le lit de l’ennui. Nous sommes ici au coeur du propos du Bouddha. Notre condition d’être temporel, voilà le scandale, le poison qui gâche nos vies. Nous souffrons car nous sommes dans le temps, soumis à son caprice. En revanche, comme le disent les textes, un saut hors du temps constitue une issue : « Ni allée ni venue, ni durée, ni décès ni renaissance […] c’est la fin de la douleur1. » Eric Vartzbed, Le bouddhisme au risque de la psychanalyse, p.10
Après la Première Noble Vérité, le constat lucide de la souffrance, Bouddha propose des remèdes. Selon lui, la source du malheur est l’attachement aux plaisirs, aux croyances, aux idées. Par la méditation, l’individu ne s’agrippe plus à des liens, croyances, sentiments censés lui assurer une permanence factice. Par la pratique, le sujet « observe » sa pensée, il réalise que son esprit est un système de tri égocentré, que la pensée fonctionne en réflexe selon trois tendances : elle s’attache au plaisant, évite le déplaisant et se désintéresse des stimulations neutres, c’est-à-dire de 90 % des perceptions. En bref, le non-délivré vit enfermé dans la citadelle du moi, accroché à une toute petite parcelle du monde. « Un homme inattentif est un homme mort », résume le Dhammapada. Le méditant avancé, en revanche, accueille l’environnement (interne et externe) sans en refuser les aspects déplaisants, sans se fixer aux plaisants, sans être indifférent à sa plus grande partie. Attentif, il vit plus, vibre sans s’attacher.
p.11
=> Les deux passages si dessous sont assez différents!

Les amours (Benoît BB)

« Dans l’absolu », chaque nouvel amour surgissant voudrait avoir son nom à lui. Il veut être une réalité entièrement nouvelle, qui ne ressemble, « dans l’absolu », à rien de ce qui fut vécu antérieurement par soi, ou par d’autres êtres. Mais on n’aura plus forcément « les mots » pour nommer notre amour de façon originale. 
Pourtant, de même que chaque vertu singulière voudrait avoir son petit surnom affectueux, qui la rattacherait à soi de façon intime, au sein d’une complicité que nul autre ne saurait comprendre, de même chaque petit amour nouveau voudrait faire exister l’invention d’une appellation inédite. Le nom d’ « amour » serait alors le versant social, communicable, de cette réalité, et « l’autre nom », « inventé », serait le versant singulier, que « seules deux personnes » seraient à même « d’appréhender ».  
Lorsqu’une personne singulière observe, sans indifférence, un soleil qui se couche, elle voudrait peut-être que cela soit, à chaque fois, un « nouveau » soleil, à chaque fois un « nouveau » couchant. Le mot « soleil » pourtant renvoie à une abstraction qu’elle partage avec tous. « Est-ce là une trahison ? », se questionne « l’âme » nostalgique…
(…)
La certitude de briser le solipsisme en l’autre et par l’autre est ce par quoi un certain plaisir érotique, sera non simplement nommé, mais bien éprouvé, sans pouvoir être dit.En revanche, le retour au solipsisme sadique, ou ma solitude consistant à n’être aimé par personne, est un désir de fusion absurde et non compris qui me transporte vers un désir de socialiser l’« amour » qui ne sera plus mon fait.
Il est le symptôme, également, d’une violence sociale à laquelle je collabore tendanciellement, et malgré moi, d’un ordre masculiniste et indifférencié auquel je me plie, et il n’exprime jamais que mon propre privilège impensé, que mon propre pouvoir sans puissance.
L’« amour », ou ses dérivés, serait donc une abstraction qui deviendrait le fruit de la « pensée » de ceux qui seraient sans amour « réel », s’ils pouvaient exister. Ils n’éprouveraient plus ladite « connexion ». Ils voudraient donner des « preuves » là où il n’y a, pour qui aimerait « aimer », ou tout autre verbe, que certitude absolue, quoiqu’incommunicable.